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Revue Audimat #22

Revue Audimat #22

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À propos du magazine : Audimat éditions prêtent attention à la façon dont la vie résonne dans la musique, en publiant des essais de critique musicale et sociale, d’histoire sociale de la musique, des contre-récits, de l’esthétique sauvage.

Contenu : 

Ballroom : préquelles
Tim Lawrence

Drag Race achevait cette année sa troisième saison sur France Télévision alors que dans des petites villes un peu partout en France, on se réunit entre jeunes queers pour apprendre les fondements du voguing. On se raconte des histoires, des légendes presque, celles de communautés de survie qui inventèrent une forme d’art-divertissement populaire et fabuleuse, en réaction à la dominance des blanc·hes sur les bals de travestis aux États-Unis. Une partie de la bande-son des bals s’en autonomise maintenant pour devenir la jersey club, un son incontournable non seulement dans la dance music internationale, mais jusque dans la scène rap française — pour autant, peu de gens font référence à l’artisanat discret d’un DJ comme Mike Q, qui a participé à en définir les fondations. Quel sera le destin de la culture ballroom ? La multiplication des performances de drag sponsorisées et du whitewashing ? Le développement un peu partout d’une infrastructure de soutien communautaire discrète mais efficace ? La promotion de celebrity DJs spécialisés dans la jersey club dont on aura oublié les origines sociales et culturelles ? Tout cela à la fois ? Seul l’avenir nous le dira, mais en retraçant précisément ses origines, l’historien Tim Lawrence rend la question très vive, et il invite les concerné·es à se positionner.

Ratchet / Mumble
Camille Kingué

Écoutez, c’est un article qui aborde deux des tendances musicales les plus excitantes du jeune millénaire : ce déjà bon-vieux rap pâteux à la Playboi Carti et les derniers tubes à l’attitude ratchet (aggressive, exubérante, trash) d’artistes comme Sexy Redd. Mais il est signé Camille Kingué, et ce n’est pas tous les jours que nous accueillons une poétesse formée à l’histoire de l’art. Alors plutôt que de récapituler l’histoire de ces scènes, faisons un détour par les propos de l’essayiste et poète féministe Maggie Nelson. Dans De la liberté, elle s’intéresse notamment aux expériences de l’alcool et des drogues, et à la façon dont ces substances permettent « de se soulager du fardeau du libre arbitre ». Or, pour y parvenir, il ne suffit pas d’embrasser sa propre vulnérabilité — car il n’est pas permis à tout le monde de se montrer vulnérable, en tout cas pas de la même manière. Cet essai explore les contours éthiques et esthétiques de cette expérience, en s’intéressant à ce que le rap en fait. Son écriture lucide et intranquille nous montre aussi une manière de composer avec ses propres malaises tout en posant une question simple : Pourquoi les femmes ne font-elles pas de mumble rap ?

Country & variétés
Étienne Castel

Bien qu’elle ait toujours été un phénomène important aux États-Unis d’Amérique, la country étend aujourd’hui son influence mondiale, à travers notamment le succès de Taylor Swift ou Zach Ryan. Quelques années après les prouesses de Lil Nas X, Beyoncé y a participé en venant réinterroger les frontières raciales du genre, lançant tout un cycle de conversations entre promo et débat critique. Ces conversations ont trouvé quelques échos dans les médias français, démontrant encore une fois que nous sommes souvent plus à l’aise pour discuter des conflits culturels aux États-Unis que pour nous regarder dans le miroir. On en était donc à se demander comment penser le rapport des auditeur·ices français·es à la country, ou s’il existait des équivalents en France, quand nous avons découvert les textes d’Étienne Castel. Passionné de country et blogger (oui) assidu, il l’aborde d’une façon rafraîchissante, loin de l’érudit-puriste qui revient sans cesse sur les chef d’oeuvres des origines. En échangeant avec lui, on s’est rendu compte que la France avait déjà ses propres histoires avec la country, y compris dans les répertoires de variétés que l’on croyait pourtant bien connaître. Elles posent à leur tour de nombreuses questions, car remarquer l’importance de la country dans le songwriting français et dans les charts, c’est aussi réfléchir aux raisons qui poussent certain·es à préférer cette influence à celle du blues ou du folk. Les éléments country sont bien sûr une manière de jouer sur une conscience identitaire rurale. Cette identité s’appuie à son tour, de manière plus ou moins manifeste, sur des idées (reçues) quant à ce qui constituerait une culture populaire, traditionnelle, ou blanche. Les artistes français peuvent donc aussi bien y trouver une manière d’invoquer ce qui serait pour eux une expérience vécue, intime, et évidente, qu’un décor folklorique/exotique pour leurs chansons. À l’heure où les politologues et politiciens dissertent sur une « France périphérique » ou une « France des bourgs », il est intéressant de voir comment les chansons françaises ont pu aller chercher leur campagne au Sud des États-Unis, et ainsi révéler l’inanité d’une identité rurale perçue comme authentique et unifiée.

Tout feu tout fem
Charles Wesley

On avait repéré la série d’articles « Transvocalités » de Charles Wesley chez Manifesto XXI et on était bien contents quand il nous a proposé d’écrire quelque chose dans nos pages. Le résultat a pris la tournure inattendue d’une sorte d’auto-généalogie de son goût. C’est un exercice qui pourrait apparaître un peu vain dans l’absolu, mais il offre ici un point de vue privilégié sur un rapport à la musique que la critique musicale semble peiner à enregistrer, et qui est pourtant central dans les musiques électroniques et pop des dix dernières années. Ce rapport se construit dans le chassé-croisé entre une musique bruitiste et expérimentale qui s’est faite de plus en plus charnelle, une pop qui sort les piques et une techno-indus de plus en plus intimiste. En abordant ses écoutes à fleur de peau, Charles Welsey remet au centre un mode musical pornophonique qui nous apparaît d’un coup, comme un secret qui aurait toujours été caché en plein jour, et qui n’attendait que lui pour devenir aussi net. Toute quête de musique devient soudain fondamentalement érotique, en même temps qu’une manière d’éprouver son corps et de se transformer.

Lana, Taylor & Jack
Mitch Theriau

Si l’on peut faire remonter les racines du rock indépendant aux années 1960, par exemple aux expérimentations du Velvet Underground, son véritable acte de naissance se situe certainement au moment du punk. Après quelques péripéties et allers-retour des deux côtés de l’Atlantique, sa progéniture grunge se verra rebaptisée « alternative » quand des labels états-uniens plus riches (et néanmoins autonomes des majors) commenceront à signer des groupes comme Sonic Youth ou Dinosaur JR. Surtout issu des classes moyennes ou supérieures blanches, « l’indé » a par la suite dépassé son origine rock, pour se définir par son lien avec les pratiques de goût, de distinction et de « choix éclairé » de ses auditeur·ices (culture du disquaire et de la critique, collection, digging, rapport à l’Histoire, etc.). À partir du début des années 1990, la popularité d’une scène gravitant autour de cet univers a grandi et son assise sociale s’est peu à peu élargie (on pense à Fiona Apple, Björk ou PJ Harvey). Si l’on en croit le critique littéraire Mitch Theriau, ce mouvement d’ouverture s’est intensifié depuis les années 2000. C’est comme si l’esprit du rock indé se retrouvait maintenant assimilé partout, avec pour effet collatéral cette impression que l’époque se caractérise par son absence de son, ou plutôt par un son neutre, et même neutralisé, qui peut évoquer l’angoissante homogénéité de ce style mondialisé de décoration que l’on retrouve partout, des Airbnb aux coffee shops. Jack Antonoff, l’un des plus emblématiques producteurs des années 2010 -2020, a porté cette évolution. Cet essai originellement publié dans le magazine The Drift revient sur son parcours et cherche à définir son esthétique pour mieux cerner l’époque.

Langue : Français

Etat : neuf

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